Page:Berlioz - Les Grotesques de la musique, 1859.djvu/105

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jours exécuter ensuite la danse des œufs, en tremblant d’en casser quelques-uns, soit avec le pied de l’éloge, soit avec celui du blâme, quand ils auraient envie de trépigner des deux pieds sur cet amas d’œufs de chats-huants et de dindons, sans grand danger pour les œufs de rossignols, tant ils sont rares aujourd’hui… Et ne pouvoir enfin suspendre aux saules du fleuve de Babylone leur plume fatiguée, et s’asseoir sur la rive et pleurer à loisir !…

Ces pauvres gens, à Paris surtout, endurent des tourments dont personne ne leur tient compte, et qui suffiraient, s’ils étaient connus, à émouvoir les plus mauvais cœurs. Mais peu désireux de faire pitié, ils se taisent ; ils sourient même parfois ; on les voit aller, venir, d’un air assez calme, surtout pendant certaines époques de l’année où la liberté leur est rendue sur parole. Quand ensuite l’heure est venue de prendre courage, ils s’acheminent vers les théâtres de leur supplice avec un stoïcisme égal à celui de Régulus retournant à Carthage.

Et personne ne remarque ce qu’il a là de réellement grand. Bien plus, quand quelques-uns d’entre eux, de complexion plus faible que les autres, sont si tourmentés de la soif du beau, ou tout au moins du raisonnable, que leur attitude souffrante, leur tête penchée, leur regard morne, attirent l’attention des passants, joignant alors l’ironie à l’insulte, on leur tend au bout d’une pique une éponge imbibée de fiel et de vinaigre, et l’on rit. Et ils se résignent. Il y en a de violents