Page:Berlioz - Les Grotesques de la musique, 1859.djvu/112

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Je n’y suis pas moins revenu ; je n’en ai pas moins quitté les hautes falaises, et la grande mer, et les splendides horizons, et les doux loisirs, et la douce paix, pour la ville plate, boueuse, affairée ; pour la ville barbare !… et j’y ai repris la truelle de l’éloge ; j’y loue, j’y reloue, comme auparavant !… plus qu’auparavant !…

Trop misérables critiques ! Pour eux, l’hiver n’a point de feux, l’été n’a point de glaces. Toujours transir, toujours brûler. Toujours écouter, toujours subir. Toujours exécuter ensuite la danse des œufs, en tremblant d’en casser quelques-uns, soit avec le pied de l’éloge, soit avec celui du blâme, quand ils auraient envie de trépigner des deux pieds sur cet amas d’œufs de chats-huants et de dindons, sans grand danger pour les œufs de rossignols, tant ils sont rares aujourd’hui !… Et ne pouvoir enfin suspendre aux saules du fleuve de Babylone leur plume fatiguée, et s’asseoir sur la rive et pleurer à loisir !…

Les Allemands désignent par le nom de recenseurs les journalistes chargés de rendre un compte périodique de ce qui se passe dans les théâtres, et même aussi d’analyser les œuvres littéraires récemment livrées à la publicité. Si notre expression de critiques s’applique mieux que le terme allemand aux écrivains chargées de cette seconde partie de la tâche, il faut en convenir, le titre modeste de recenseurs est plus juste pour désigner beaucoup d’honnêtes gens condamnés au labeur froid, ingrat et bien souvent humiliant qui constitue la