Page:Berlioz - Les Grotesques de la musique, 1859.djvu/113

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première. Qui peut savoir, excepté ces malheureux eux-mêmes, ce que l’accomplissement de cette tâche leur cause parfois de douleurs déchirantes, de vastes et profonds dégoûts, de répulsions frémissantes, de colères concentrées qui ne peuvent faire explosion ?… Que de forces ainsi perdues ! que de temps ainsi gaspillé ! que de pensées étouffées ! que de machines à vapeur, capables de percer les Alpes, employées à tourner la roue d’un moulin !

Tristes recenseurs, inutiles censeurs, si souvent censurés ! quand seront-ils…

(Un homme de bon sens interrompant Jérémie :)

« Raca ! Raca ! Raca ! allez-vous recommencer encore votre refrain et nous parler dans un cinquantième couplet de suspendre votre plume aux saules du fleuve de Babylone et de vous asseoir sur la rive et d’y pleurer ?

Savez-vous bien que vos récriminations et vos lamentations sont parfaitement insupportables ?… Qui diable vous met dans cet état de désolation ? Si vous êtes un homme à vapeurs, prenez des douches ; si vous vous sentez cette gigantesque puissance de tranche-montagne, pour Dieu ! donnez-lui carrière comme il vous plaira ; percez les Alpes, percez l’Apennin, percez le mont Ararat, percez la butte Montmartre même, si tel est votre besoin de percer, et ne venez pas nous déchirer le tympan par vos cris d’aigle en cage ? Assez d’autres sont là, plus capables que vous, dont le plus vif désir serait de tourner la roue de votre moulin.

— (Jérémie.) Quiconque dit à son frère : Raca ! mé-