Page:Berlioz - Les Grotesques de la musique, 1859.djvu/152

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grand général qui marchait avec un autre mssieu loin devant les autres de la troupe. Les paysans lui dirent comm’ ça :

— Dites donc, mssieu, est-ce t’y vous qui êtes l’Empereur ?

— Non, le voilà qui vient dans c’te prairie.

Tout d’ suite les gens d’Ajol vont vers la prairie et puis disent à l’autre :

— C’est donc vous, mssieu, qui êtes l’Empereur ?

— Oui, mes enfants, que l’autre leux répond.

— Ah ! ben, alors, tenez, bénissez-nous.

Et les v’là qui se mettent à genoux devant l’Empereur. Y voulait les relever, mais y n’ pouvait pas. Y se tortillait la moustache, et l’on voyait ben qu’il avait la larme à l’œil, tout de même, le povre homme.

— Vous avez vu ça ?

— Pardi si j’ l’on vu ! je l’on vu comme et j’ vous vois. Et plus loin, là haut vers c’te ferme, y n’ savions plus l’ chemin, et y sont allés l’ demander au grand Nicolas qui vannait de sarrazin devant sa porte. Micolas leux a dit oûs qu’y fallait passer, et l’Empereur lui a mis une pièce dans la main. Micolas a cru comm’ ça que c’était une pièce de vingt sous, mais quand y-z-ont tous été loin, il a ouvert sa main, il a regardé, et en voyant qu’il avait un vrai napoléon d’or en or, il a fait un cri, et puis y s’est mis à jurer, oh ! à jurer que ça faisait peur. De joie, ben entendu, y jurait de joie ; mais c’t-égal, ce n’est pas bien tout d’ même de jurer comm’ ça.