Page:Berlioz - Les Grotesques de la musique, 1859.djvu/163

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Eh bien ! vous savez le malheur de la grosse comtesse russe ?

— Non !

— Quoi ! la montgolfière ! vous n’avez pas su ?

— Pas encore.

— Personne n’a poussé la crinolofurie aussi loin que la comtesse.

— Certes, elle porte la circonférence de la grande cloche du Kremlin.

— Or, des charlatans, hier, sur la promenade des dames, ont lancé une montgolfière en papier rose et blanc, beaucoup plus grosse encore que la fameuse cloche de Moscou. À peine le ballon a-t-il paru au-dessus des grands frênes de la promenade, que tout le monde rassemblé s’est écrié : « Ah ! mon Dieu ! voilà Mme  la comtesse qui s’envole ! »

Il y a une petite rivière, où, pour mieux dire, un gros ruisseau à Plombières ; les gens lettrés le nomment Eaugronne, et les gens du pays l’Eau-grogne. Cette dernière appellation est la vraie ; l’autre, n’en déplaise aux savants, n’en est que la correction prétentieuse. La rivière en effet roule ses ondes avec bruit ; son eau grogne toujours. L’animation que ses tours et détours donnent dans la partie basse de la ville, et sa limpidité, sont un peu compensées par les immondices de toute sorte qu’elle entraîne constamment. Les bouchers y jettent des débris animaux aussi désagréables à la vue qu’à l’odorat. Partout on voit de longs tubes intestinaux qui, accrochés par un bout à quelque pierre,