Page:Berlioz - Les Grotesques de la musique, 1859.djvu/166

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Le savant docteur, qui sait combien l’imagination du patient deviendrait en ce cas pour lui un adversaire dangereux, garde sur cet accident le plus complet silence ; il remet en place ce qui reste du tube, le malade ne s’aperçoit de rien et guérit. Sa digestion s’opère plus vite, voilà tout. Mais son moral n’est plus le même ; il est brusque, dur ; il maltraite sa femme et ses enfants ; il va même, ce qui est grave, jusqu’à les ruiner volontairement, à leur enlever tout ce qu’il peut de son héritage. On a vu ainsi de bons et respectables chefs de famille sortir de Plombières, après leur guérison, pères à peu près sans entrailles.

— Voilà qui me confond !

— Eh ! monsieur, vous en conveniez hier à propos d’une question de géologie, et vous aviez bien raison : la nature est impénétrable.

— Sans doute ; je n’en tremble pas moins ; et si jamais, ce dont Dieu me garde, il m’incombait une maladie intestinale, je n’aurais point recours à l’audacieuse science de M. Sibille, je tiens trop à conserver un bon père à mes enfants. »

Vivier, ce grand ennemi des monsieur Prud’homme, était à Plombières au moment le plus brillant de la saison. Il a eu l’idée extravagante d’y donner un concert. Ceci décidé, il a retenu le salon ; plus rien ne manquait que la musique et les musiciens. Car il en faut dans un concert ; ce n’est pas comme dans beaucoup d’opéras où un dialogue qui n’est souvent ni vif ni animé remplace la musique très-avantageusement. Le