Page:Berlioz - Les Grotesques de la musique, 1859.djvu/167

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cor de Vivier a beau se multiplier et faire entendre trois ou quatre sons à la fois, il ne saurait suffire en pareil cas. On a voulu recourir à Mlle Favel, la gracieuse transfuge de l’Opéra-Comique de Paris. Mlle Favel, suppliée de venir en aide à Vivier, a tout d’abord dit non, puis de nouvelles instances lui ont arraché un oui bien faible, et quelques heures après elle a renvoyé un énorme non bien formel. On dit que Mlle Favel a découvert un maître de chant (Colomb est dépassé) qui lui défend d’émettre un son avant l’an de grâce 1860, promettant à cette condition de lui fournir un talent au moins égal au génie des premières déesses de l’époque.

Il n’y a que la foi qui perd.


Vivier alors a invité une jeune cantatrice de Nancy, Mlle Millet, douée d’un filet de voix mince comme le filet d’eau de la fontaine de Stanislas, et de plus un accompagnateur, M. Humblot, excellent musicien, habile pianiste, élève du Conservatoire de Paris, qui professe à Épinal. Quant au piano, il n’y fallait pas songer. Il y a bien à Plombières des mélodiums d’Alexandre (où n’y en a-t-il pas maintenant ?) mais le poétique et religieux instrument ne saurait remplacer le piano, et on a dû se résigner à l’emploi d’une de ces commodes nasillardes qu’on s’obstine encore à nommer pianos droits. Le concert a eu lieu. Malgré leur prix élevé, les billets ont tous été pris. Le monsieur Prud’homme regimbait. On lui a fait comprendre que cette solennité étant placée