Page:Berlioz - Les Grotesques de la musique, 1859.djvu/199

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L’un de ces ingrats a ouvert le feu contre Molière avec une énergie et un succès qui, fort heureusement, n’ont pas été égalés depuis lors. Il se nommait Mozart. Il vint à Paris fort jeune. Il manifesta le désir d’écrire une grande partition pour le théâtre de l’Opéra (l’Académie royale de musique). Mais comme il jouait très-bien du clavecin et qu’il avait déjà publié plusieurs sonates pour cet instrument, les administrateurs de l’Opéra, en hommes judicieux et sagaces, lui firent sentir l’impertinence de son ambition, et l’éconduisirent en l’engageant à se borner à écrire des sonates. Mozart ayant reconnu, avec peine il est vrai, qu’il n’était qu’un paltoquet, s’en retourna piteusement en Allemagne, où il se fit arranger en libretto un drame de Molière dont la représentation l’avait beaucoup frappé. Puis il le mit en musique et le fit représenter à Prague avec un succès prodigieux, au dire des uns, sans succès, au dire des autres. Ainsi apparut le Don Giovanni, dont la contre-gloire pendant nombre d’années a fait un peu pâlir la gloire du Don Juan. Les grands compositeurs qu’honorait alors la confiance de messieurs les directeurs de l’Opéra eussent été incapables d’un tel acte d’ingratitude.

Beaucoup plus tard, on porta à l’Opéra-Comique une petite partition écrite sur une autre pièce de Molière, le Sicilien ou l’Amour peintre. Je ne sais si elle a été représentée. Plus tard est venue la Psyché, de M. Thomas. Le Médecin malgré lui, de M. Gounod, fait et fera longtemps encore les beaux jours du Théâ-