Page:Berlioz - Les Grotesques de la musique, 1859.djvu/198

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homme de lettres, n’étaient pas forts en orthographe, ils écrivirent ainsi le nom de l’un des chefs-d’œuvre de l’illustre railleur : l’Avarre. Ce qui produisit dans le temps une assez vive sensation parmi les épiciers savants de la rue Richelieu, et mit le directeur des travaux du monument dans l’obligation de faire gratter l’inscription irrégulière pendant la nuit.

Juste retour, monsieur, des choses d’ici-bas.

Vous avez tourné en dérision un individu qui sollicitait l’emploi de correcteur des enseignes et inscriptions de Paris, et voilà qu’au dix-neuvième siècle on vous appelle à Paris, dans une inscription, l’auteur de l’Avarre.

Ce misanthrope (le lecteur ne l’eût jamais deviné) se nommait Poquelin de Molière, et voici à quel propos je me permets de parler ici de lui : le fouet de cet enragé fouetteur de ridicules n’est jamais tombé, je le disais tout à l’heure, sur les épaules des musiciens. Ne faut-il pas encore reconnaître une ironie du sort dans l’acharnement que les musiciens seuls ont mis, sinon à égratigner, au moins à farder, à enjoliver les figures des personnages qu’il a mis au monde, et à les enduire de mélodies qui leur donnent une sorte d’éclat factice dont Molière sans doute serait peu jaloux de les voir briller ?… Il est donc vrai que pour les musiciens au moins « l’ingratitude est l’indépendance du cœur. »