Page:Berlioz - Les Grotesques de la musique, 1859.djvu/250

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plus ravissante encore. Enfin, pensai-je, car je n’avais garde de me récrier, enfin voilà l’admirable page de Mozart fidèlement rendue ! Voilà le chant de la solitude, le chant de la rêverie voluptueuse, le chant du mystère et de la nuit ; c’est ainsi que doit s’exhaler la voix d’une femme dans une scène pareille ; voilà le clair-obscur de l’art du chant, la demi-teinte, le piano enfin, ce piano, ce pianissimo que les compositeurs obtiennent des orchestres de cent musiciens, des chœurs de deux cents voix, mais que, ni pour or, ni pour couronnes, ni par la flatterie, ni par la menace, ni par les caresses, ni par les coups de cravache, ils ne pourraient obtenir de la plupart des cantatrices, savantes ou inhabiles, italiennes ou françaises, intelligentes ou sottes, humaines ou divines. Presque toutes vocifèrent plus ou moins avec la plus exaspérante obstination ; elles ne sauraient s’aventurer au delà du mezzo forte, ce juste-milieu de la sonorité ; elles semblent craindre de n’être pas entendues. Eh ! malheureuses, nous ne vous entendons que trop ! Oui, l’Allemande Sontag nous avait enfin rendu le chant secret, le chant de l’a parté, le chant de l’oiseau caché sous la feuillée, saluant le crépuscule du soir. Elle connaissait cette nuance exquise dont la simple apparition donne aux auditeurs bien organisés un frisson de plaisir à nul autre comparable ; elle chantait piano aussi finement, aussi sûrement, aussi mystérieusement que le font vingt bons violons avec sourdines dirigés par un habile chef ; elle savait enfin tout l’art du chant…

Admirable Sontag !… Elle eût été Juliette, s’il eût