Page:Berlioz - Les Grotesques de la musique, 1859.djvu/255

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

s’imaginaient déguster d’excellente musique, des mélodies exquises, des accents dignes du ciel. Oh ! les bons hommes, les dignes hommes que les hommes d’esprit de ce siècle philosophique, écrivant sur l’art musical sans en avoir le moindre sentiment, sans en posséder les notions premières, sans savoir en quoi il consiste ! Je ne dis pas cela pour Rousseau, qui en possédait, lui, les notions premières. Et pourtant que d’étonnantes, plaisanteries ce grand écrivain a mises en circulation et auxquelles il a donné une autorité qui subsiste encore et que les axiomes du bon sens n’acquerront jamais !

C’est si commode, convenons-en, de trouver sur un art ou sur une science des opinions toutes faites et signées d’un nom illustre ! On s’en sert comme de billets de banque dont la valeur n’est pas discutable. Ô philosophes ! prodigieux bouffons ! Mais ne rappelons, à propos de la Tonnelli, que l’enthousiasme excité à Paris sous son règne par les bouffons italiens. À lire le récit des extases de leurs partisans, à voir la rudesse avec laquelle ces connaisseurs traitent un grand maître français, Rameau, ne dirait-on pas que les œuvres des compositeurs italiens de ce temps, de Pergolèse surtout, débordaient de sève musicale, que le chant, un chant de miel et de lait, y coulait à pleins bords, que l’harmonie en était céleste, les formes d’une beauté antique ?… Je viens de relire la Serva Padrona. Non… jamais… mais, tenez, vous ne me croiriez pas. Voir remettre en scène cet opéra tant prôné et assister à la