Page:Berlioz - Les Grotesques de la musique, 1859.djvu/270

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les bains et les distractions, qui m’avaient remis sur pieds l’année précédente, après le festival de l’Industrie, me seraient encore fort utiles cette fois. Dès que j’en eus la conviction, je pris mon chapeau… et j’allai me baigner… à Marseille.

Quand j’eus bien nagé dans la Méditerranée, l’envie me prit de connaître la ville, et je pensai de prime abord au plus savant amateur de musique de la cité phocéenne, un de mes anciens amis, M. Lecourt, qui joue fort bien du violoncelle, qui possède par cœur tout Beethoven, qui fit cent cinquante lieues, il y a quelques années, pour venir entendre la première exécution d’un de mes ouvrages à Paris ; inflexible dans ses convictions, disant tout franc ce qu’il pense, appelant chaque chose par son nom, écrivant comme il parle, pensant, parlant, écrivant et jouant juste, un cœur d’or sur la main. Je n’eus pas de peine à trouver sa demeure ; il m’eût été plus difficile de rencontrer dans Marseille quelqu’un qui ne la connût pas. En m’apercevant :

« — C’est vous ! bonjour ! Qui diable a pu vous donner l’idée de venir faire de la musique à Marseille ? et dans cette saison ? et avec une telle chaleur ? et avec les cafés et les indigos qui nous arrivent chaque jour dans le port ?… Ah çà, vous êtes fou !…

— Eh ! mais, c’est le directeur de votre théâtre qui m’a suggéré cette bonne idée. Dans dix jours nous donnerons un concert.

— Extravagance !