Page:Berlioz - Les Grotesques de la musique, 1859.djvu/276

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des honneurs. Alors j’ai entendu les amateurs qu’ils parlaient pendant la sérénade. Il y en avait un, M. Himturn, un chaud, qu’il est venu de Nîmes pour votre musique, qu’il disait toujours : « Et l’Hymne à la France ! et la Marche des Pèlerins ! — Quels pèlerins ? criait un autre ; je n’ai pas vu de pèlerins. — Et le Cinq mai, et l’Adagio de la Symphonie. » Enfin celui-là vous adore crânement. Plus loin, une dame, elle disait à sa fille : « Tu n’as point de cœur, Rose, tu ne peux rien comprendre à ça : joue des contredanses. » Mais les deux plus acharnés, c’étaient deux commerçants en campêche ; ils criaient plus fort que les Trotebas : « Oui, il faut condamner toutes ces audaces ; comment ! si on l’avait laissé faire, ne voulait-il pas mettre un canon dans son orchestre ! — Allez donc, un canon ! — Certainement, un canon ; il y a sur le programme un morceau intitulé : Pièce de campagne ; c’était au moins une pièce de douze dont il voulait nous régaler ! — Mon cher, vous n’avez pas compris ; ce que vous appelez la pièce de campagne n’est sans doute que la Scène aux champs, l’adagio de la symphonie : vous faites un jeu de mots sur ce titre. — Ah ! bien, s’il n’y a pas de canon, il y a le tonnerre, au moins ; et, à la fin, il faudrait être bien bête pour ne pas reconnaître ces roulements du tonnerre de Dieu, comme les jours d’orage quand il va pleuvoir. — Mais justement, c’est ce qu’il a voulu faire ; c’est très-poétique, et cela m’a beaucoup ému ! — Laissez-moi donc, poétique ! Si c’est une promenade à la campagne qu’il a voulu mettre en