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Le droit de jouer en fa dans une symphonie en ré.


À l’époque où, après huit ou dix ans d’études, je commençais à entrevoir la puissance de notre grand art profané, un étudiant de ma connaissance fut député vers moi par les membres d’une société philharmonique d’amateurs, récemment constituée dans le local du Prado, pour me prier d’être leur chef d’orchestre. Je n’avais encore alors dirigé qu’une seule exécution musicale, celle de ma première messe dans l’église de Saint-Eustache. Je me méfiais extrêmement de ces amateurs ; leur orchestre devait être et était en effet exécrable. Toutefois l’idée de m’exercer à la direction des masses instrumentales, en expérimentant ainsi in animà vili, me décida, et j’acceptai.

Le jour de la répétition venu, je me rends au Prado ; j’y trouve une soixantaine de concertants qui s’accordaient avec ce bruit agaçant particulier aux orchestres d’amateurs. Il s’agissait d’exécuter quoi ?… Une symphonie en de Gyrowetz. Je ne crois pas que jamais chaudronnier, marchand de peaux de lapins, épicier romain ou barbier napolitain ait rêvé des platitudes pareilles. Je me résigne, nous commençons. J’entends une discordance affreuse produite par les clarinettes. J’interromps l’orchestre, et m’adressant aux clarinettistes : « Vous aurez pris sans doute un morceau pour un autre, messieurs ; nous jouons en et vous venez de