Page:Berlioz - Les Grotesques de la musique, 1859.djvu/301

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cette heure que personne ne s’en occupe plus. Sans doute, le temps ne fait rien, c’est-à-dire, au contraire, le temps fait beaucoup, quoi qu’en ai dit, non pas Boileau (je m’aperçois maintenant que je me suis trompé dans ma citation), mais Poquelin de Molière, un autre poëte qui était fou du bon sens. Je maintiens qu’à de rares exceptions près, le temps ne consacre rien de ce qu’on fait sans lui. Cet adage, que vous n’avez jamais entendu ni lu, puisque je viens de le traduire du persan, est d’une grande vérité. J’ai voulu seulement vous prouver qu’il était possible à moi aussi d’improviser une partition, quand je prenais bravement mon parti de me contenter pour mon ouvrage d’une célébrité éphémère de quatre à cinq mille ans.

Si j’avais eu trois jours pleins à employer à ce travail, ma partition vivrait quarante siècles de plus, je ne l’ignore pas. Mais dans des circonstances pressantes et imprévues, comme celles de l’inauguration d’un chemin de fer, un artiste ne doit pas tenir à ce que quarante siècles de plus ou de moins le contemplent ; la patrie a le droit d’exiger alors de chacun de ses enfants un dévouement absolu. Je me dis donc : Allons, enfant de la patrie !… et je me dévouai. Il le fallait !!!… Que faites-vous en ce moment, mon cher M** ? Avez-vous un bon feu ? votre cheminée ne fume-t-elle point ? Entendez-vous, comme moi, le vent du nord geindre dans les combles de la maison, sous les portes mal closes, dans les fissures de la croisée inhermétiquement fermée, se lamenter, et gémir, et hurler, comme plusieurs