Cette inconvenante sortie philosophique, mon cher
ami, n’était que pour amener une citation de Virgile.
J’adore Virgile, et j’aime à le citer ; c’est une manie
que j’ai, et dont vous avez dû déjà vous apercevoir.
Les voilà qui se taisent,
et je n’ai plus envie de mourir. Admirez l’éloquence du
silence, après avoir reconnu le pouvoir des sons ! Le
calme donc étant revenu, toutes mes croyances me sont
rendues. Je crois à la beauté, à la laideur, je crois au
génie, au crétinisme, à la sottise, à l’esprit, au vôtre
surtout ; je crois que la France est la patrie des arts ;
je crois que je dis là une énorme bêtise ; je crois que
vous devez être las de mes divagations, et que vous ne
devinez pas pourquoi je divague à propos de musique.
Eh ! mon Dieu, si vous ne le devinez pas, je vais vous
le dire : c’est pour ne pas me faire remarquer, tout
bonnement ; je prétends ne pas me singulariser, ne point
faire disparate dans le milieu social où nous vivons. Il
y a un proverbe, vrai comme tous les proverbes, que
je viens encore de traduire du persan, et qui dit :
Il faut hurler avec les fous ; faites-en votre profit.
Pour lors ! (Odry commençait ainsi le récit de ses aventures dans la forêt où il s’était égaré, forêt vierge où il n’y avait que des perroquets et des orang-outang[1] et dans laquelle il se fit écrivain public pour
- ↑ Je sais très-bien qu’il faudrait écrire orang-houtan, mais pour ces deux mots malayous qui signifient homme des bois, j’aime mieux employer l’orthographe vulgaire, qui est aussi la vôtre, pour ne pas vous humilier.