Page:Berlioz - Les Grotesques de la musique, 1859.djvu/56

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magnifiques, admirables, inutiles, grotesques, ridicules, rauques, affreux, propres à charmer les anges, à faire grincer des dents les démons, à réveiller les morts, à endormir les vivants, à faire chanter les oiseaux et aboyer les chiens.

On commença par l’examen des pianos. Le piano ! À la pensée de ce terrible instrument, je sens un frisson dans mon cuir chevelu ; mes pieds brûlent ; en écrivant ce nom, j’entre sur un terrain volcanique. C’est que vous ignorez ce que sont les pianos, les marchands de pianos, les fabricants de pianos, les joueurs de piano, les protecteurs et protectrices des fabricants de pianos. Dieu vous préserve de le savoir jamais ! Les autres marchands et facteurs d’instruments sont beaucoup moins redoutables. On peut dire d’eux à peu près ce qu’on veut, sans qu’ils se plaignent trop aigrement. On peut donner au plus méritant la première place, sans que tous les autres aient à la fois la pensée de vous assassiner. On peut aller jusqu’à reléguer le pire au dernier rang sans recevoir des bons la moindre réclamation. On peut dire même à l’ami d’un prétendu inventeur : « Votre ami n’a rien inventé, ceci n’est pas nouveau, les Chinois se servent de son invention depuis des siècles ! » et voir l’ami désappointé de l’inventeur se retirer presque silencieusement comme eût fait sans doute l’illustre Colomb, si on lui eût appris que des navigateurs Scandinaves avaient longtemps avant lui trouvé le continent américain.

Mais le piano ! ah ! le piano ! « Mes pianos, mon-