Page:Berlioz - Les Grotesques de la musique, 1859.djvu/72

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par la presse américaine. Voyons, écoutons, essayons et nous achèterons après, s’il y a lieu. »

Ce prudent amateur vient à Paris, se fait indiquer le magasin d’Alexandre, et ne tarde pas à s’y présenter.

Pour comprendre ce qu’il y a de grotesque dans le parti qu’il crut devoir prendre après avoir examiné les orgues, il faut savoir que les instruments d’Alexandre, indépendamment du soufflet qui fait vibrer des anches de cuivre par un courant d’air, sont pourvus d’un système de marteaux destinés à frapper les anches et à les ébranler par la percussion au moment où le courant d’air vient se faire sentir. L’ébranlement causé par le coup de marteau rend plus prompte l’action du soufflet sur l’anche, et empêche ainsi le petit retard qui existerait sans cela dans l’émission du son. En outre l’effet des marteaux sur les anches de cuivre produit un petit bruit sec, imperceptible quand le soufflet est mis en jeu, mais qu’on entend assez distinctement de près quand on se borne à faire mouvoir les touches du clavier.

Ceci expliqué, suivons notre amateur dans le grand salon d’Alexandre au milieu de la population harmonieuse d’instruments qui y est exposée.

— Monsieur, je voudrais acheter un orgue.

— Monsieur, nous allons vous en faire entendre plusieurs, vous choisirez ensuite.

— Non, non, je ne veux pas qu’on me les fasse entendre. Le prestige de l’exécution de vos virtuoses