Page:Berlioz - Les Grotesques de la musique, 1859.djvu/73

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peut et doit abuser l’auditeur sur les défauts des instruments et transformer quelquefois ces défauts en qualités. Je tiens à les essayer moi-même, sans être influencé par aucune observation. Permettez-moi de rester seul un instant dans votre magasin.

« — Qu’à cela ne tienne, monsieur, nous nous retirons ; tous les mélodium sont ouverts ; examinez-les. »

Là-dessus, M. Alexandre s’éloigne, l’amateur s’approche d’un orgue, et, sans se douter qu’il faut pour le faire parler agir avec les pieds sur le soufflet placé au-dessous de la caisse, promène ses mains sur le clavier, comme il eut fait pour essayer un piano.

Il est étonné de ne rien entendre d’abord, mais presque aussitôt son attention est attirée par le petit bruit sec du mécanisme de la percussion dont j’ai parlé : cli, cla, pic, pac, tong, ting ; rien de plus. Il redouble d’énergie en attaquant les touches : cli, cla, pic, pac, tong, ting, toujours. « C’est à ne pas croire, dit-il ; c’est ridicule ! comment ferait-on entendre ce misérable instrument dans une église, si petite qu’on la suppose ? Et on loue en tous lieux de pareilles machines, et M. Alexandre a fait fortune en les fabricant ! Voilà pourtant jusqu’où s’étend l’audace de la réclame, la mauvaise foi des rédacteurs de journaux. »

L’amateur indigné s’approche pourtant d’un autre orgue, de deux autres, de trois autres, pour l’acquit de sa conscience ; mais, employant toujours le même moyen pour les essayer, il arrive toujours au même résultat. Toujours : cli, cla, pic, pac, tong, ting. Il