Page:Berlioz - Les Grotesques de la musique, 1859.djvu/81

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

ils y dorment, ils y dansent même dans la plus complète sécurité ; jusqu’à ce qu’une belle nuit, poutres, colonnes, planchers, tout étant rongé à l’intérieur, la maison s’écroule en bloc et les écrase.

N’oublions pas l’Astucio protecteur. Sa chevelure argentée demande le respect ; il a un sourire plein de bénignité ; il protège d’instinct tout le monde ; sa mission est le protectorat. Il protégeait Beethoven il y a vingt-cinq ans, et l’égorgillait tout doucement en disant : « C’est beau, mais on ne s’en tiendra pas là. Ce n’est qu’une école de transition. » Il n’écoute jamais l’œuvre d’un de ses protégés modernes sans applaudir ostensiblement et sans dire à ses voisins tout en applaudissant : « C’est détestable ! Il n’y a d’abord pas une note à lui là dedans. C’est pris à Gluck, qui l’avait pris à Hændel. » Avec un peu plus de verve il ajouterait : « Qui me l’avait pris. » Celui-là est le vénérable de l’ordre.

Puis enfin l’Astucio roquet. Il semble jouer en vous mordant, comme font les jeunes chiens au moment de la dentition ; mais en réalité il mord avec une rage concentrée qu’on redoute peu parce qu’elle est impuissante. Le meilleur parti à prendre à l’égard de celui-là, quand ses mordillements incommodent, c’est d’imiter ce Terre-neuve qui, harcelé par un King’s Charles, prit le roquet par la peau du cou, le porta gravement, malgré ses cris, jusqu’au bord d’un balcon donnant sur la Tamise, et l’y laissa choir délicatement. Mais tous les Astucio petits ou grands, avec ou sans esprit, avec ou sans dents, avec ou sans or, lorsqu’ils