Page:Berlioz - Les Soirées de l’orchestre, 1854.djvu/125

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les pieds de ses chevaux, ou sous les roues de sa voiture ; le reste sera admis gratuitement dans la salle même : ceux-ci devront entendre une partie du concert. — Ils l’entendront ? ? ? — Ils l’entendront. A la fin de la seconde cavatine, chantée par elle, ils déclareront hautement qu’après de telles jouissances, il ne leur est plus possible de supporter un reste d’existence prosaïque ; puis, avec les poignards que voici, ils se perceront le cœur. Pas de pistolets ; c’est un instrument qui n’a rien de noble, et son bruit, d’ailleurs, pourrait lui être désagréable. » Le marché était conclu, et ces conditions, sans aucun doute, eussent été remplies honnêtement par les parties, si la police américaine, police tracassière et inintelligente s’il en est, ne fût intervenue pour s’y opposer. Ce qui prouve bien que, même chez les peuples artistes, il y a toujours un certain nombre d’esprits étroits, de cœurs froids, d’hommes grossiers, et, tranchons le mot, d’envieux. C’est ainsi que le système de la claque à mort n’a pu être mis en pratique, et que bon nombre de pauvres gens ont été privés d’un nouveau moyen de gagner leur vie.

Ce n’est pas tout ; on croyait généralement à New-York (pouvait-on en douter, en effet ?) que, le jour de son débarquement, un Te deam laudamus serait chanté dans les églises catholiques de la ville. Mais, après s’être longuement consultés, les desservants des diverses paroisses sont tombés d’accord qu’une semblable démonstration était peu compatible avec la dignité du culte, qualifiant même la petite variante introduite dans le texte sacré de blasphématoire et d’impie. De sorte que pas un Te deam n’a été entonné dans les églises de l’Union. Je vous livre ce fait sans commentaires, dans sa brutale simplicité.

Autre tort grave, m’a dit un amateur, dont l’administration des travaux publics de cet étrange pays s’est rendue coupable : les journaux nous ont souvent entretenus de l’immense chemin de fer entrepris pour établir, au travers du continent américain, une communication directe entre l’océan Atlantique et la Californie. Nous autres gens simples d’Europe, supposions qu’il s’agissait uniquement de faciliter par là le voyage des