Page:Berlioz - Les Soirées de l’orchestre, 1854.djvu/147

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clameurs avinées des Orphées de cabaret ! Dites-moi où vous avez appris, triple sotte, qu’il vous fût loisible de hacher une mélodie et de faire des vers de quatorze pieds en supprimant les élisions pour respirer plus souvent. Quelle langue parlez-vous ? est-ce l’auvergnat ou le bas-breton ? Les gens de Clermont et de Quimper s’en défendent. Vous êtes donc atteinte d’une phtisie au troisième degré, qu’il vous faille toujours et partout prendre des temps pour faire sortir de votre poitrine la moindre succession mélodique de quelque rapidité, d’où résulte ce continuel retard dans les entrées et dans l’attaque du son qui détruit toute régularité, tout aplomb, qui asphyxie douloureusement vos auditeurs, et qui, contrastant avec la précision des instruments de l’orchestre, amène dans les morceaux d’ensemble cet affreux tohubohu de rhythmes divers que font entendre les montres malades mises à l’hôpital chez les horlogers. Vous êtes donc bien peu soucieuse de cet accord si indispensable entre les instruments et les voix, malheureuse Muse dégénérée, que, dans vos opéras, pour faire plaisir à vos metteurs en scène qui se moquent de vous, vous laissiez placer vos choristes à une distance de l’orchestre qui les met dans l’impossibilité de s’accorder rhythmiquement avec lui ? Où avez-vous la tête quand vous prétendez faire marcher ensemble les quatre parties d’un quatuor dont les dessus sont sur l’avant-scène, les basses au post-scénium, à quarante pas de là, pendant que les altos et les ténors, cachés par les portants des coulisses, ne peuvent, grâce aux processions et aux groupes dansants qui les environnent, apercevoir à l’horizon de la rampe le moindre bout de l’archet conducteur ? Mais dire que vous prétendez établir l’ensemble d’un quatuor ainsi disposé, c’est vous flatter étrangement. Vous n’y prétendez en aucune façon. Les gâchis odieux, les cacophonies qui en résultent, vous trouvent fort indifférente, au contraire, et vous vous inquiétez peu de pareilles niaiseries. Pourtant, cette insouciance révolte bien des gens, et le nombre de ces révoltés, grossi de tous les mécontents que vous ennuyez seulement, a fini par constituer le formidable public qui prend l’habitude de ne pas mettre les pieds chez vous. Nous ne vous parlons là que de vos mé