Page:Berlioz - Les Soirées de l’orchestre, 1854.djvu/190

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une phrase navrante d’abandon et de douloureuse tendresse : Que le bienfait de sa présence enchante un seul moment ces lieux. Après la fin de l’air et ces mots de récitatif : Viens, mortel adoré, je te donne ma vie, pendant que Julia va au fond du théâtre pour ouvrir à Licinius, l’orchestre reprend un fragment de l’air précédent où les accents du trouble passionné de la Vestale dominent encore ; mais, au moment même où la porte s’ouvre en donnant passage aux rayons amis de l’astre des nuits, un pianissimo subit ramène dans l’orchestre, un peu ornée par les instruments à vent, la phrase Que le bienfait de sa présence ; il semble aussitôt qu’une délicieuse atmosphère se répande dans le temple, c’est un parfum d’amour qui s’exhale, c’est la fleur de la vie qui s’épanouit, c’est le ciel qui s’ouvre, et l’on conçoit que l’amante de Licinius, découragée de sa lutte contre son cœur, vienne en chancelant s’affaisser au pied de l’autel, prête à donner sa vie pour un instant d’ivresse. Je n’ai jamais pu voir représenter cette scène sans en être ému jusqu’au vertige. A partir de ce morceau, cependant, l’intérêt musical et l’intérêt dramatique vont sans cesse grandissant ; et l’on pourrait presque dire que, dans son ensemble, le second acte de la Vestale n’est qu’un crescendo gigantesque, dont le forte éclate à la scène finale du voile seulement. Vous n’attendez pas, messieurs, que j’analyse ici les beautés de l’immortelle partition que vous admirez tous autant que je l’admire. Mais comment ne pas signaler en passant des merveilles d’expression comme celles qu’on trouve au début du duo des amants :

licinius.

Je te vois.

julia.

En quels lieux !

licinius.

Le dieu qui nous rassemble

Veille autour de ces murs et prend soins de tes jours.

julia.

Je ne crains que pour toi !

Quelle différence entre les accents de ces deux personnages ! les paroles de Licinius se pressent sur ses lèvres brûlantes ;