Page:Berlioz - Les Soirées de l’orchestre, 1854.djvu/191

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Julia, au contraire, n’a presque plus d’inflexions dans la voix, la force lui manque, elle meurt. Le caractère de Licinius se développe mieux encore dans sa cavatine, dont on ne saurait assez admirer la beauté mélodique ; il est tendre d’abord, il console, il adore, mais vers la fin, à ces mots :

Va, c’est aux dieux à nous porter envie,

une sorte de fierté se décèle dans son accent, il contemple sa belle conquête, la joie de la possession devient plus grande que le bonheur même, et sa passion se colore d’orgueil. Quant au duo, et surtout à la péroraison de l’ensemble :

C’est pour toi seul que je veux vivre ! Oui, pour toi seule je veux vivre !

ce sont choses indescriptibles ; il y a là des palpitations, des cris, des étreintes éperdues qui ne sont point connues de vous, pâles amants du Nord : c’est l’amour italien dans sa grandeur furieuse et ses volcaniques ardeurs. Au finale, à l’entrée du peuple et des prêtres dans le temple, les formes rhythmiques grandissent démesurément ; l’orchestre, gros de tempêtes, se soulève et ondule avec une majesté terrible ; il s’agit ici du fanatisme religieux.

O crime ! ô désespoir ! ô comble de revers ! Le feu céleste éteint ! la prêtresse expirante ! Les dieux pour signaler leur colère éclatante, Vont-ils dans le chaos replonger l’univers ?

Ce récitatif est effrayant de vérité dans son développement mélodique, dans ses modulations et son instrumentation ; c’est d’un grandiose monumental ; partout s’y manifeste la force menaçante d’un prêtre de Jupiter Tonnant. Et, parmi les phrases de Julia, successivement pleines d’accablement, de résignation, de révolte et d’audace, il y a de ces accents si naturels qu’il semble qu’on n’eût pu en employer d’autres ; et si rares pourtant que les plus belles partitions en contiennent à peine quelques-uns. Tels sont ceux :