Page:Berlioz - Les Soirées de l’orchestre, 1854.djvu/216

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UNE VISITE A TOM-POUCE

La scène représente.... un provincial français extrêmement naïf, qui se dit grand amateur de musique, et, à ce titre, se désespère de n’avoir pu assister aux soirées données par le nain Tom-Pouce. Il sait que ce phénomène lilliputien a fait les délices de la capitale française pendant un nombre de mois indéterminé ; il a entrepris le voyage de Paris uniquement pour admirer le petit général qu’on dit si spirituel, si gracieux, si galant ; et le malheur veut que les représentations de ce prodige soient en ce moment interrompues. Comment faire ?… Une lettre de recommandation dont notre provincial est pourvu lui ouvre le salon d’un artiste célèbre par son talent de mystification. A l’énoncé de la déconvenue de l’admirateur de Tom-Pouce, l’artiste lui répond : En effet, monsieur, je conçois que pour un ami des arts tel que vous, ce soit un cruel désappointement.... Vous venez de Quimper, je crois ? — De Quimper-Corentin, monsieur. — Faire sans fruit un pareil voyage… Ah ! attendez ! il me vient une idée ; Tom-Pouce, à la vérité, ne donne plus de représentations, mais il est à Paris ; et parbleu, allez le voir, c’est un gentilhomme, il vous recevra à merveille. — Oh ! monsieur, que ne vous devrai-je pas, si je puis parvenir jusqu’à lui ! J’aime tant la musique ! — Oui, il ne chante pas mal. Voici son adresse : rue Saint-Lazare, au coin de la rue de La Rochefoucauld, une longue avenue ; au fond, la maison où Tom-Pouce respire ; c’est un séjour sacré qu’habitèrent successivement Talma, mademoiselle Mars, mademoiselle Duchesnois, Horace Vernet, Thalberg, et que Tom-Pouce partage maintenant avec le célèbre pianiste. Ne dites rien au concierge, montez jusqu’au bout de l’avenue, et, suivant le précepte de l’Évangile, frappez et l’on vous ouvrira. — Ah ! monsieur, j’y cours ; je crois le voir, je crois déjà l’entendre. J’en suis tout ému… C’est que vous n’avez pas d’idée de ma passion pour la musique. »

Voilà l’amateur pantelant qui court à l’adresse indiquée ; il