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les soirées de l’orchestre.

me promit de me donner tout ce que je demanderais. La chose cependant en resta là ; et comme je refusais de faire un calice qu’il me demandait en outre, toujours sans donner d’argent, ce bon pape, devenu furieux comme une bête féroce, me fit loger en prison pendant six semaines. C’est tout ce que j’en ai jamais obtenu[1]. Il n’y avait pas un mois que j’étais en liberté quand je rencontrai Pompeo, ce misérable orfévre qui avait l’insolence d’être jaloux de moi, et contre lequel, pendant longtemps, j’ai eu assez de peine à défendre ma pauvre vie. Je le méprisais trop pour le haïr ; mais il prit, en me voyant, un air railleur qui ne lui était pas ordinaire, et que, cette fois, aigri comme je l’étais, il me fut impossible de supporter. À mon premier mouvement pour le frapper au visage, la frayeur lui fit détourner la tête, et le coup de poignard porta précisément au-dessous de l’oreille. Je ne lui en donnai que deux, car au premier il tomba mort dans ma main. Mon intention n’avait pas été de le tuer, mais dans l’état d’esprit où je me trouvais, est-on jamais sûr de ses coups ? Ainsi donc, après avoir subi un odieux emprisonnement, me voilà de plus obligé de prendre la fuite pour avoir, sous l’impulsion de la juste colère causée par la mauvaise foi et l’avarice d’un pape, écrasé un scorpion.

Paul III, qui m’accablait de commandes de toute espèce, ne me les payait pas mieux que son prédécesseur ; seulement, pour mettre en apparence les torts de mon côté, il imagina un expédient digne de lui et vraiment atroce. Les ennemis que j’avais en grand nombre autour de Sa Sainteté, m’accusent un jour auprès d’elle d’avoir volé des bijoux à Clément.

Paul III, sachant bien le contraire, feint cependant de me croire coupable, et me fait enfermer au château Saint-Ange ; dans ce fort que j’avais si bien défendu quelques années auparavant pendant le siége de Rome ; sous ces remparts d’où j’avais tiré plus de coups de canon que tous les canonniers ensemble, et d’où j’avais, à la grande joie du pape, tué moi-même le connétable de Bourbon. Je viens à bout de m’échap-

  1. Historique.