Page:Berlioz - Les Soirées de l’orchestre, 1854.djvu/315

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sourds ; il frappe les temps à grands coups de bâton sur le bois de son pupitre, sans presser ni ralentir, qu’il s’agisse de retenir un groupe qui s’emporte (il est vrai qu’on ne s’emporte jamais) ou d’exciter un groupe qui s’endort ; il ne cède rien à personne ; il va mécaniquement comme la tige d’un métronome ; son bras monte et descend ; on le regarde si on veut, il n’y tient pas. Cet homme-machine ne fonctionne que dans les ouvertures, les airs de danse et les chœurs ; car pour les airs et duos, comme il est absolument impossible de prévoir les caprices rhythmiques des chanteurs et de s’y conformer, les chefs d’orchestre ont depuis longtemps renoncé à marquer une mesure quelconque ; les musiciens ont alors la bride sur le cou ; ils accompagnent d’instinct, comme ils peuvent, jusqu’à ce que le gâchis devienne par trop formidable. Les chanteurs alors leur font signe de s’arrêter, ce qu’ils s’empressent de faire, et on n’accompagne plus du tout. Je ne suis en Italie que depuis peu. Et j’ai eu souvent déjà l’occasion d’admirer ce bel effet d’orchestre.

Mais adieu pour ce soir, mon ami, je me croyais plus fort ; la plume s’échappe de ma main. Je brûle ; j’ai la fièvre. Mina ! Mina ! point de lettres ! Que me font les Italiens et leur barbarie !… Mina ! Je vois la lune pure se mirer dans l’Etna !… Silence !… Mina !..... loin.... seul.... Mina !.... Mina !.... Paris !… Deuxième lettre.

Sicile, 8 juin 2344.

DU MÊME AU MÊME.

Quel martyre notre ministre m’a infligé ! rester ainsi en Italie, retenu par ma parole, trop légèrement donnée, de n’en point sortir avant d’avoir engagé le nombre de chanteurs qui nous manquent ! quand le moindre navire me transporterait à travers les airs aux lieux où est ma vie !… Mais pourquoi son silence ?… Je suis bien malheureux ! Et m’occuper de musique dans cet état de brûlant vertige, avec ce trouble de