Page:Berlioz - Les Soirées de l’orchestre, 1854.djvu/320

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laconique ! un cheval, très-bien dessiné, pardieu, et pas un mot. C’est à la fois une signature et une phrase hiéroglyphique ! Cela signifie que je suis attendue pour une course au bois par mon animal de baron. Il courra sans moi. (Madame Happer s’avance pesamment.) Mon Dieu, ma mère, que vous êtes lente à venir quand je vous appelle ! je suis ici à me morfondre depuis plus d’une demi-heure. Je n’ai pas de temps à perdre cependant !

MADAME HAPPER.

De quoi s’agit-il donc, ma fille ? quelle nouvelle folie allez-vous entreprendre ? vous voilà bien agitée.

MINA.

Nous partons !

MADAME HAPPER.

Vous partez ?

MINA.

Nous partons, ma mère !

MADAME HAPPER.

Mais je n’ai pas envie de quitter Paris, je m’y trouve fort bien ; surtout si, comme je le soupçonne, c’est pour aller rejoindre votre pâle amoureux. Je le répète, Mina, votre conduite est impardonnable, vous manquez à ce que vous me devez et à ce que vous devez à vous-même. Ce mariage ne nous convient en aucune façon, ce jeune homme n’a pas assez de fortune ! Et puis il a des idées, des idées si étranges sur les femmes ! Tenez, vous êtes folle, trois fois folle, pardonnez-moi de vous le dire, et même niaise, avec tout votre esprit et tout votre talent. On n’a jamais vu d’exemple d’un tel choix, ni d’une telle manie d’épousailles. Je pensais pourtant que la société brillante que vous voyez habituellement ici vous avait remise sur la voie du bon sens ; mais il paraît que vos caprices sont des fièvres intermittentes et que voilà l’accès revenu.

MINA (s’inclinant avec un respect exagéré).

Ma respectable mère, vous êtes sublime ! Je ne dirai pas