Page:Berlioz - Les Soirées de l’orchestre, 1854.djvu/321

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

que vous improvisez à merveille, car c’est, j’en suis sûre, pour préparer ce sermon que vous m’avez tant fait attendre ! N’importe, l’éloquence a son prix. Mais vous prêchiez une convertie. Or donc, nous partons ; nous allons à Euphonia ; je chante à la fête de Gluck ; je ne pense plus à Xilef ; nous changeons de nom pour nous mettre, dans le premier moment, à l’abri de ses poursuites ; je m’appelle Nadira, vous passez pour ma tante ; je suis une débutante autrichienne, et le grand Shetland me prend sous sa protection ; j’ai un succès fou ; je tourne toutes les têtes ; pour le reste… qui vivra verra.

MADAME HAPPER.

Ah ! mon Dieu, bénissez-la ! je retrouve ma fille. Enfin la raison… embrasse-moi, ma toute belle. Ah ! j’étouffe de joie ! plus de ces sottes opinions sur les prétendues promesses ! à la bonne heure ! Oui, partons. Et ce petit niais de Xilef qui se permettait de songer à ma Mina et de vouloir me l’enlever. Ah ! que j’aie au moins le plaisir de lui dire son fait, à cet épouseur ; c’est moi que cela regarde, et je vais… Morveux ! une cantatrice de ce talent et si belle ! Oui, mon garçon, elle est pour toi, va, compte là-dessus. En dix lignes je le congédie : dans deux heures nos malles sont faites, notre navire de poste est prêt, et demain à Euphonia, où nous triomphons, pendant que le petit monsieur nous poursuivra dans la direction contraire. Ah ! je vais lui donner des nœuds à filer. (Madame Happer sort en soufflant comme une baleine et en faisant des signes de croix).

FANNY (qui est rentrée depuis quelques instants).

Vous le quittez donc, madame ?

MINA.

Oui, c’est fini.

FANNY.

O mon Dieu, il vous aime tant, et il comptait tant sur vous ! Vous ne l’aimez donc plus, plus du tout ?

MINA.

Non.