Page:Berlioz - Les Soirées de l’orchestre, 1854.djvu/363

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


Quant à moi personnellement, je ne puis que vous remercier de m’avoir fait jouer un rôle qui me plaît et que je trouve original autant que vrai. Je n’en paraîtrai pas moins fort ridicule, cela est certain, aux hommes de lettres et aux musiciens de Paris qui vous liront. Mais je m’en moque. Je suis ce que je suis ; honni soit qui sot me trouve !

Notre Dieu-ténor est furieux, tellement furieux, qu’il feint de trouver charmantes les malices que vous lui adressez. Cherchant à prouver son bon vouloir à votre égard, il tourmentait hier M. le baron F***, notre intendant, pour qu’il mît à l’étude un opéra de vous, dans lequel il prétend pouvoir remplir le rôle principal à votre entière satisfaction. Et à la sienne aussi, je suppose, car, fît-il de son mieux, il égorgerait l’opéra sans rémission. Heureusement, je connais ce genre de vendetta, et je n’ai pas souffert que vous en devinssiez la victime chez nous. J’ai détourné Son Excellence d’accueillir le projet suggéré par le perfide chanteur, et j’ai répondu aux reproches de celui-ci par un proverbe français, arrangé pour la circonstance, et qu’il a compris, j’en suis sûr, car dès ce moment il s’est tenu tranquille :

« Dis-moi ce qui tu chantes et je te dirai qui tu hais. »

Le baryton est tout aise et tout heureux que vous l’ayez trouvé, dans le rôle de Don Juan, digne du prix Monthyon. Cette appréciation le flatte plus que je ne saurais vous dire.

La prima donna de qui vous avez écrit : nous avons cru qu’elle accouchait ! a fort aigrement répliqué : « En tout cas, il ne sera jamais le père de mes enfants ! » Ce dont je ne puis vous féliciter, car c’est une sotte ravissante.

Le Figaro et l’Almaviva ignorent encore, fort heureusement, l’opinion que vous m’avez attribuée sur eux dans votre livre. Ils sont peu lettrés. Je crois pourtant qu’ils savent lire.

Le cor Moran est d’avis que le calembour fait sur son nom est indigne de vous. Cet avis, je le partage.