Page:Berlioz - Mémoires, 1870.djvu/518

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son fils m’en a donné sa parole, et s’est engagé à m’en informer. Peu à peu, malgré sa crainte des nouvelles amitiés, peut-être verra-t-elle ses sentiments affectueux grandir lentement pour moi. Déjà je puis apprécier l’amélioration survenue dans ma vie. Le passé n’est pas entièrement passé. Mon ciel n’est plus vide. D’un œil attendri je contemple mon étoile qui semble au loin doucement me sourire. Elle ne m’aime pas, il est vrai, pourquoi m’aimerait-elle ? mais elle aurait pu m’ignorer toujours, et elle sait que je l’adore.

Il faut me consoler d’avoir été connu d’elle trop tard, comme je me console de n’avoir pas connu Virgile, que j’eusse tant aimé, ou Gluck, ou Beethoven... ou Shakespeare... qui m’eût aimé peut-être. (Il est vrai que je ne m’en console pas.). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Laquelle des deux puissances peut élever l’homme aux plus sublimes hauteurs, l’amour ou la musique ?... C’est un grand problème. Pourtant il me semble qu’on devrait dire ceci : L’amour ne peut pas donner une idée de la musique, la musique peut en donner une de l’amour... Pourquoi séparer l’un de l’autre ? Ce sont les deux ailes de l’âme.

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En voyant de quelle façon certaines gens entendent l’amour, et ce qu’ils cherchent dans les créations de l’art, je pense toujours involontairement aux porcs qui, de leur ignoble grouin, fouillent la terre au milieu des plus belles fleurs, et au pied des grands chênes, dans l’espoir d’y trouver les truffes dont ils sont friands.

Mais tâchons de ne plus songer à l’art..... Stella ! Stella ! je pourrai mourir maintenant sans amertume et sans colère.

1er janvier 1865.


FIN