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LA VILLE AUX ILLUSIONS

rait peut-être chercher du travail dans la soirée.

Lui aussi, sans rien dire, se mit donc en campagne. Ses précédentes démarches l’avaient aguerri. D’ailleurs, la vie dure qu’il menait lui avait donné de l’aplomb. Il ne s’effrayait plus à l’idée de solliciter quelqu’un.

Il passa en revue tous les travaux qui occupent la nuit. Là encore, bien des courses inutiles, bien des démarches fatigantes furent nécessaires… Mais il se sentait une sorte de responsabilité. Il y avait Marcelle. Il ne pouvait pas l’abandonner à son sort. Que deviendrait-elle, sans lui ? Il l’avait tacitement adoptée. Cette idée lui donnait du courage.

Enfin, il finit par découvrir ce qu’il désirait. Un cinéma des boulevards recherchait quelqu’un pour déchirer le coin des billets des spectateurs, avant que ceux-ci n’entrent dans la salle. Il y courut eut la chance d’arriver dans les premiers et fut accepté.

Tout radieux, il revint chez lui. Il devait gagner deux cents francs par mois, mais il était pris les matinées du dimanche et les jours de fête aussi.

— Bah ! pensa-t-il. Je me priverai de sorties. Ça me fera faire des économies.

Il balança un instant avant de savoir s’il annoncerait cette nouvelle à Marcelle. Puis, il préféra se taire.

Il ne devait pas garder sa place longtemps !

Le troisième soir, alors qu’il était à son poste de contrôleur, et qu’il entendait le ronronnement de l’appareil qu’on venait de mettre en marche, il eut un haut-le-corps qu’il réprima aussitôt. Un couple venait d’entrer. Et il reconnut Arlette et son mari.

Le vicomte prit les billets, puis s’approcha de Jean, impassible, et lui tendit.

Il les écorna et les rendit. Mais Arlette avait reconnu le jeune homme. Elle s’exclama stupéfaite :

— Qu’est-ce que vous faites ici, vous ?

— Je travaille, Madame, répondit-il.

— Vous travaillez ? Dans un cinéma ? Drôle d’idée ! Pourquoi donc ?