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LA VILLE AUX ILLUSIONS

y retourna le surlendemain de leur fameux dîner. Il trouva la jeune fille plus vaillante, mais toujours aussi malheureuse dans ses démarches.

— C’est la crise partout, expliqua-t-elle ; pour une place vacante, cent se présentent. Comment voulez-vous gagner, à cent contre un ?

Ils se revirent plusieurs jours encore. Leur camaraderie devenait plus affectueuse, et Jean, tout doucement, songeait moins souvent à Arlette… Quand il y pensait, d’ailleurs, l’âpreté de son chagrin était moins grande… La plaie se cicatrisait.

Par contre, la douceur tranquille, la vaillance de sa petite compagne le gagnaient chaque jour davantage. Il admirait la bravoure de cette enfant de dix-sept ans, qui luttait de toutes ses forces contre le mauvais destin et essayait de vaincre la vie… Elle, si délicate, si frêle d’apparence, révélait une force d’âme insoupçonnée.

Huit jours passèrent encore… Mais la malchance s’obstinait et Marcelle revenait tous les soirs, infiniment lasse et n’ayant aucun espoir de sortir de cette angoissante situation.

Chaque fois que Jean arrivait, le premier mot de celui-ci était :

— Eh bien ?

— Rien ! répondait-elle laconiquement.

Jean, à plusieurs reprises, lui laissa des petites sommes d’argent. Les économies de la jeune fille étaient fondues depuis longtemps ; le reste avait servi à payer le terme, en sortant de l’hôpital… D’abord, la fierté de Marcelle s’était révoltée ; puis, nécessité faisant loi, elle avait fini par accepter, touchée jusqu’au fond de l’âme par l’aide discrète de son ami.

Mais celui-ci comprit vite que ce n’étaient pas avec ses maigres appointements qu’il pourrait la faire vivre jusqu’il ce qu’elle puisse se débrouiller toute seule… il fallait trouver autre chose…

Son emploi, à la librairie Bruneau, l’occupait de huit heures du matin à six heures du soir… Il pour-