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LA VILLE AUX ILLUSIONS

— C’est fini, j’espère, cette bouderie ? Tenez, je vais me confesser complètement : je l’ai revu avec maman, au Vernissage, le lendemain, et il m’a tellement ennuyée que j’ai juré de ne plus recommencer… Il est très calé sur le nom de tous les peintres et moi je n’en connais qu’un ou deux… Alors, il me semblait que j’étais encore au cours… C’est une sensation fort désagréable, car j’étais paresseuse comme une douzaine de couleuvres…

Elle dit cela si drôlement qu’il se mit à rire aussi.

— Ah ! la bonne heure ! s’écrie-t-elle en sautant en l’air et en battant des mains. Voilà comme je vous aime ! Maintenant, excusez-moi une petite minute ! je vais m’habiller et nous irons à Armenonville…

Elle disparut en tourbillon et revint moins de vingt minutes après, emmitouflée dans un manteau de fourrure grise, et coiffée d’un invraisemblable petit bibi qui ne devait tenir sur sa tête que par un miracle d’équilibre.

— Voilà ! je suis prête, fit-elle gaiement. Allons ! Papa et maman sont en visite, et ont emmené l’auto. Nous prendrons un taxi.

Ils sortirent. Jean avait l’impression de nager dans un fleuve de délices ; en vérité, il croyait que le monde lui appartenait. Dans un éclair, il se vit ainsi, quelques années plus tard, alors que, mariés, il abandonnerait quelques heures son étude pour accompagner sa femme…

Ils formaient un couple charmant et plus d’un passant se détourna pour les contempler en souriant. Ils gagnèrent l’Étoile, puis l’avenue du Bois de Boulogne.

— Êtes-vous fatiguée ? demanda le jeune homme, plein de sollicitude.

— Ma foi ! oui. Arrêtez une voiture, s’il vous plaît. J’ai été ce matin jusqu’à Vincennes voir une amie et je me sens incapable de battre des records de footing.

Il s’avança sur le rebord du trottoir et fit signe à un chauffeur, qui roulait doucement, en quête d’un client