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LA VILLE AUX ILLUSIONS

bras, et de l’autre main, le montra aux deux autres.

— Il est gentil, dit-il. Tout frais sorti de sa coquille, quoi ! Écoute donc, jeune poussin, reprit-il, et médite le conseil de tes aînés : après le jour, qu’est-ce qu’il y a ?

— La nuit !

— La nuit ! Tu l’as dit, la nuit, bébé ! Eh bien ! c’est à ce moment-là qu’on travaille, tiens, quand on veut des sous supplémentaires ! J’en connais, tu sais ! Pas moi, parce que ça me donne la migraine ; pas Julien non plus, parce que personne n’en voudrait ; ni Louis, parce qu’il est trop paresseux…

— Dis-donc ? grognèrent les intéressés en lui lançant un coup d’œil furibond.

— Ça va ! Je suis bon copain, et je n’insiste pas.

— Mais, la nuit, reprit ingenûment Jean, tous les bureaux sont fermés !

Les trois autres éclatèrent de rire et Louis lui envoya une bourrade dans les côtes.

— Tiens ! Tu es vraiment trop mignon ! Oui, tous les bureaux sont fermés, candide nature ; Mais les cinémas, les théâtres, les restaurants, les cabarets sont ouverts ! et mille autres choses ! Je connais un type qui est ouvreur dans un grand cinéma des boulevards, un autre qui est chasseur au Rat-à-Poil… Par exemple, c’est éreintant. Il faut être costaud, pour faire ça.

— C’est une bonne idée ! s’exclama Jean. Je vous remercie.

— Tu n’as pas à nous remercier. C’est devenu classique, tu sais, et beaucoup aujourd’hui, font ça…

Toute la journée, cette idée trotta dans la tête de Jean. Oui, là existait peut-être un moyen quelconque pour se procurer les ressources qui lui faisaient défaut…

Dès le soir, il partit rôder vers Montmartre, espérant que le hasard le favoriserait… Des fêtards pressés et élégants sortaient de souples autos ; il vit des jeunes gens refermer les portières et pensa :

— Ce sont peut-être des étudiants comme moi !

Mais l’idée d’aller quémander du travail dans ces