Page:Bernède - La Ville aux illusions, 1936.djvu/49

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
47
LA VILLE AUX ILLUSIONS

lieux qui semblaient voués au plaisir lui répugnait.

Quelques jours passèrent. Il retourna dîner chez Arlette, et celle-ci lui demanda s’il voulait l’accompagner à Versailles, un jour. Il acquiesça, ravi, espérant bien profiter d’un long tête-à-tête avec la jeune fille.

C’est ce qui se produisit. Mme Fousseret avait ses visites, ses obligations mondaines. M. Fousseret, son travail… Ils avaient l’habitude de voir leur fille sortir seule avec des camarades. Ils savaient qu’en compagnie de Jean, ils n’avaient rien à craindre. Quant à Arlette, il ne lui déplaisait pas d’être accompagnée par ce beau gars, si différent des frêles Parisiens qu’elle avait l’habitude de rencontrer dans les salons. Son orgueil féminin s’en trouvait agréablement chatouillé. Il avait bien encore certaines gaucheries, certaines maladresses. Mais, petit à petit, elle espérait le réformer. Déjà, elle lui avait donné pour sa toilette quelques discrets conseils qui avaient été religieusement écoutés… Ce n’était plus le provincial du début. Et, justement, cet amour naïf et sincère qu’elle avait deviné avant même qu’il le lui avoue, l’avait flattée. Non qu’elle éprouvât pour lui le moindre sentiment de passion, grand Dieu ! Arlette, jeune fille pratique, reléguait les questions sentimentales à l’arrière-plan et espérait bien, lorsqu’elle changerait de nom, le faire avec bénéfice. Elle n’avait pas pensé un seul instant que ce jeu charmant et cruel de la coquetterie pouvait causer des blessures inguérissables chez une nature aussi sensible que l’était celle de Jean. Elle ne voyait là qu’un amusement agréable et sans conséquence, et elle en profitait pendant que le vent de son caprice soufflait dans cette direction. Bien des fois, déjà, elle avait flirté avec des camarades ! Un aveu, des soupirs, des compliments, heureusement, n’engagent personne…

Ils partirent donc pour Versailles, elle, joyeuse comme une écolière en vacances, et s’amusant de l’embarras où ses espiègleries plongeaient son compagnon. Rompue à toutes les roueries de la conversation, elle