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LA VILLE AUX ILLUSIONS

En quatre bouchées, il avait terminé. Et, en soupirant, il attendait le repas prochain.

Maintenant qu’il allait mieux, l’ennui commençait à le gagner. Quand on est dans son lit, malade, préoccupé seulement par la gorgée de boisson fraîche qu’on vous donnera tout à l’heure, en proie aux mille chimères de la fièvre, on se moque pas mal de la longueur du temps ! On ne s’en aperçoit pas… Mais, maintenant qu’il était parfaitement lucide, il baillait à se décrocher la mâchoire. Le docteur défendait la lecture. Il ne voulait pas qu’on fume. Et puis, fumer… Il fallait de l’argent ! Et Jean pensait qu’il n’en avait pas de trop… Il aurait des frais, en quittant l’hôpital… On lui avait bien recommandé de changer de manière d’existence… Le médecin n’avait eu aucune peine à deviner la vérité, c’est-à-dire que comme trop de jeunes gens, il sacrifiait la réalité à l’apparence et mangeait comme les oiseaux.

— C’est un tort, mon petit ! lui dit-il, paternellement. Si vous voulez que la machine marche, il faut du charbon !

Jean errai ! donc dans les allées, ou bien s’allongeait sur la chaise longue qu’on lui préparait, dans la galerie exposée au soleil.

Or, voici qu’un jour, une surprise lui fut réservée…

Il venait de s’étendre dans son fauteuil de toile, lorsqu’il vit l’infirmière en préparer un autre non loin de lui. Il allait avoir un voisin ! Cette idée lui fui agréable.

— Pourvu qu’il soit sociable ! pensa-t-il.

Mais son attente fut déçue : ce fut une jeune fille aux traits pâles qui vint l’occuper, un ouvrage à la main.

C’était une charmante blondinette, encore adolescente, qui paraissait avoir seize ou dix-sept ans. Un teint d’églantine devait, en temps ordinaire, fleurir ses joues maintenant ivoirines, mais la flamme de la santé revenue brillait dans ses yeux, d’un marron clair pailleté de noir.