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LA VILLE AUX ILLUSIONS

— Oui… répondit le jeune homme, en essayant d’éclaircir sa voix. Et quand est-ce ?

— Tu sais pas ? T’es donc pas du quartier ?

— Non !

— C’est pour après-demain… Tu comprends que je suis renseigné, parce que ma sœur, elle est concierge rue de la Bienfaisance, comme qui dirait à côté, quoi !

— Je comprends… fit-il, en reprenant sa charrette. Là-dessus, mon vieux, au revoir : j’ai encore une commande à livrer rue de Naples…

Il reprit son trajet, les pieds lourds et la tête endolorie. Allons ! l’inévitable allait s’accomplir… Il fallait s’y résigner…

En rentrant chez lui, le soir, il trouva un mot de Marcelle, qui lui disait :

« Je suis sortie de l’hôpital depuis six jours, et j’ai loué une petite chambre rue Oliver-Noyer…, numéro six… J’espère bien que vous n’avez pas oublié votre petite « payse » et que vous lui ferez l’amitié de venir la voir un de ces jours… »

Mais cette lettre le laissa complètement indifférent. Il avait bien autre chose à penser qu’à aller voir Marcelle, vraiment !

Jusqu’au surlendemain, il ne songea qu’à une chose : chercher un moyen pour s’échapper… Il s’était mis dans la tête d’assister à la bénédiction du mariage…

Il n’osa pas demander congé de la matinée à son chef de manutention. Mais on aurait pu croire que le hasard le protégeait, car dès son arrivée, ce jour-là, il fut appelé :

— Gardin, lui dit le chef, il faut aller ce matin boulevard Malesheibes, chez Brontineau et Cie, où vous avez livré avant-hier… La commande ne lui plaît pas et il veut un échange… Voici donc ce qu’il faudra lui apporter à la place… Vous reprendrez la caisse refusée. Allez vite.

Le jeune homme s’empressa. Il alla d’abord chez le client, dut subir une longue conversation avec l’em-