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LA VILLE AUX ILLUSIONS

perions tous les deux une extinction de voix. Viens dîner avec moi.

— Mais, monsieur l’abbé, c’est à moi de…

— Ta ! ta ! ta ! Je t’invite. Je suis difficile… Tu sais que j’aime les bons plats, poursuivit-il en riant. J’ai déniché un excellent petit coin et tu m’en diras des nouvelles. Puis, une fois à table, nous bavarderons… Personne ne t’attend, je pense, ce soir ?

Jean secoua la tête.

— Non, personne…

— Tu n’as pas l’air de trouver ça bien gai, mon pauvre gamin ! C’est vrai, la solitude est une triste chose… Mais, viens : en ton honneur, je vais me payer un taxi !

Il fit signe à un chauffeur et lui donna une adresse. Puis, se calant confortablement sur les coussins, il reprit :

— J’avoue que je ne pensais guère te trouver dans ce quartier… Je suis passé chez toi ce matin pour te voir… Tu étais déjà parti et ta concierge n’a pas su me dire où tu travaillais…

— Je vous expliquerai, monsieur l’abbé, fit-il, rapidement. Comment vont papa et maman ?

— Ils vont bien, mon garçon… Mais ils commencent à se faire vieux, évidemment… Tu penses, une grosse propriété comme celle de ton père demanderait des bras jeunes et solides… Il fait ce qu’il peut… Mais l’âge est là…

L’auto s’arrêta devant un petit restaurant propret, Ils descendirent, l’abbé régla et ils pénétrèrent dans la salle.

— Tiens ! fit celui-ci en montrant une petite table au fond. Nous serons très bien, là.

Ils s’attablèrent. Le menu était simple, mais bien préparé. La salle, avec son linge de couleur et ses rideaux rouges, était gaie et accueillante. Jean pensa qu’il y avait une fameuse différence avec la gargote où il prenait habituellement ses repas, et sentit le bel appétit de sa jeunesse revenir. L’abbé, d’ailleurs, ne lui cédait en rien : c’était une excellente four-