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Page:Bernanos - Journal d’un curé de campagne.djvu/118

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JOURNAL

fameuses ! J’ignorais qu’il existait une Association sportive à Héclin, luxueusement dotée par le fabricant de chaussures M. Vergnes, qui fournit du travail à la population de sept communes. Il est vrai qu’Héclin est à douze kilomètres. Mais les garçons du village font très facilement le trajet en bicyclette.

Enfin nous avons tout de même fini par échanger quelques idées intéressantes. Ces pauvres jeunes gens me paraissent être tenus à distance par des camarades plus grossiers, coureurs de bals et de filles. Comme le dit très bien Sulpice Mitonnet, le fils de mon ancien sonneur, « l’estaminet fait mal, et coûte cher ». En attendant mieux, faute d’être en nombre suffisant nous ne nous proposerons rien de plus que la constitution d’un modeste cercle d’études, avec salle de jeux, de lecture, quelques revues.

Sulpice Mitonnet n’avait jamais beaucoup attiré mon attention. De santé très chétive, il vient d’achever son service militaire (après avoir été ajourné deux fois). Il exerce maintenant vaille que vaille son métier de peintre et passe pour paresseux.

Je pense qu’il souffre surtout de la grossièreté du milieu où il doit vivre. Comme beaucoup de ses pareils, il rêve d’une place en ville, car il a une belle écriture. Hélas ! la grossièreté des grandes villes, pour être d’une autre espèce, ne me paraît pas moins redoutable. Elle est probablement plus sournoise, plus contagieuse. Une âme faible n’y échappe pas.