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Page:Bernanos - Journal d’un curé de campagne.djvu/144

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JOURNAL

fond d’un petit chemin creux, bordé de noisetiers très touffus. On suppose qu’il aura voulu tirer à lui son fusil engagé dans les branches, et le coup sera parti.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Je m’étais proposé de détruire ce journal. Réflexion faite, je n’en ai supprimé qu’une partie, jugée inutile, et que je me suis d’ailleurs répétée tant de fois que je la sais par cœur. C’est comme une voix qui me parle, ne se tait ni jour ni nuit. Mais elle s’éteindra avec moi, je suppose ? Ou alors…

J’ai beaucoup réfléchi depuis quelques jours au péché. À force de le définir un manquement à la loi divine, il me semble qu’on risque d’en donner une idée trop sommaire. Les gens disent là-dessus tant de bêtises ! Et, comme toujours, ils ne prennent jamais la peine de réfléchir. Voilà des siècles et des siècles que les médecins discutent entre eux de la maladie. S’ils s’étaient contentés de la définir un manquement aux règles de la bonne santé, ils seraient d’accord depuis longtemps. Mais ils l’étudient sur le malade, avec l’intention de le guérir. C’est justement ce que nous essayons de faire, nous autres. Alors, les plaisanteries sur le péché, les ironies, les sourires ne nous impressionnent pas beaucoup.

Naturellement, on ne veut pas voir plus loin que la faute. Or la faute n’est, après tout, qu’un symptôme. Et les symptômes les plus impressionnants pour les profanes