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Page:Bernanos - Journal d’un curé de campagne.djvu/278

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JOURNAL

nelle, presque comique. J’avais reconnu Séraphita. Je lui ai souri. Elle a probablement cru que je me moquais d’elle, la mauvaise lueur s’est allumée dans son regard gris — si peu enfantin — et qui m’a fait plus d’une fois baisser les yeux. Je me suis aperçu alors qu’elle tenait à la main une jatte de terre remplie d’eau, où nageait une espèce de chiffon, pas trop propre. Elle a pris la jatte entre les genoux. « J’ai été la remplir à la mare, fit-elle, c’était plus sûr. Ils sont tous là-bas dans la maison, à cause de la noce du cousin Victor. Moi, je suis sortie pour rentrer les bêtes. » — « Ne risque pas d’être punie. » — « Punie ? On ne m’a jamais punie. Un jour le père a levé la main sur moi. Ne t’avise pas de me toucher, que je lui ai dit, ou je mène la Rousse à la mauvaise herbe, elle crèvera d’enflure ! La Rousse est notre plus belle vache. » — « Tu n’aurais pas dû parler ainsi, c’est mal. » — « Le mal, a-t-elle répliqué en haussant les épaules avec malice, c’est de se mettre dans un état comme vous voilà ». Je me suis senti pâlir, elle m’a regardé curieusement. « Une chance que je vous ai trouvé. En poursuivant les bêtes, mon sabot a roulé dans le chemin, je suis descendue, je vous croyais mort. » — « Je vais mieux, je vais me lever. » — « N’allez pas rentrer fait comme vous êtes, au moins ! » — « Qu’est-ce que j’ai ? » — « Vous avez vomi, vous avez la figure barbouillée comme si vous aviez mangé des mûres. » J’ai essayé de prendre la jatte, elle a failli m’échapper des mains. — « Vous tremblez trop, m’a-t-elle