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D’UN CURÉ DE CAMPAGNE

Réunion mardi chez le curé d’Hébuterne, pour la conférence mensuelle. Sujet traité par M. l’abbé Thomas, licencié en histoire : « La Réforme, ses origines, ses causes. » Vraiment, l’état de l’Église au seizième siècle fait frémir. À mesure que le conférencier poursuivait son exposé forcément un peu monotone, j’observais les visages des auditeurs sans y voir autre chose que l’expression d’une curiosité polie, exactement comme si nous nous étions réunis pour entendre lire quelque chapitre de l’histoire des Pharaons. Cette indifférence apparente m’eût jadis exaspéré. Je crois maintenant qu’elle est le signe d’une grande foi, peut-être aussi d’un grand orgueil inconscient. Aucun de ces hommes ne saurait croire l’Église en péril, pour quelque raison que ce soit. Et certes ma confiance n’est pas moindre, mais probablement d’une autre espèce. Leur sécurité m’épouvante.

(Je regrette un peu d’avoir écrit le mot d’orgueil, et cependant je ne puis l’effacer, faute d’en trouver un qui convienne mieux à un sentiment si humain, si concret. Après tout, l’Église n’est pas un idéal à réaliser, elle existe et ils sont dedans.)

À l’issue de la conférence, je me suis permis de faire une timide allusion au programme que je me suis tracé. Encore ai-je supprimé la moitié des articles. On n’a pas eu beaucoup de mal à me démontrer que son exécution même partielle, exigerait des jours de quarante-huit heures et une influence personnelle que je suis loin d’avoir, que je n’aurai