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JOURNAL

N’importe ! Je crois qu’il y a dans le sentiment que j’analyse si mal autre chose qu’une politesse, même sincère. Les manières n’expliquent pas tout.

Évidemment, j’aurais souhaité que M. le comte montrât plus d’enthousiasme pour mes projets d’œuvres de jeunes gens, l’association sportive. À défaut d’une collaboration personnelle, pourquoi me refuser le petit terrain de Latrillère, et la vieille grange qui ne sert à rien, et dont il serait facile de faire une salle de jeu, de conférences, de projection, que sais-je ? Je sens bien que je ne sais guère mieux solliciter que donner, les gens veulent se réserver le temps de réfléchir, et j’attends toujours un cri du cœur, un élan qui réponde au mien.

J’ai quitté le château très tard, trop tard. Je ne sais pas non plus prendre congé, je me contente à chaque tour de cadran d’en manifester l’intention, ce qui m’attire une protestation polie à laquelle je n’ose passer outre. Cela pourrait durer des heures ! Enfin, je suis sorti, ne me rappelant plus un mot de ce que j’avais pu dire, mais dans une sorte de confiance, d’allégresse, avec l’impression d’une bonne nouvelle, d’une excellente nouvelle que j’aurais voulu porter tout de suite à un ami. Pour un peu, sur la route du presbytère, j’aurais couru.

♦♦♦ Presque tous les jours, je m’arrange pour rentrer au presbytère par la route de Gesvres. Au haut de la côte, qu’il