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L’IMPOSTURE

tacle », dit-il encore. Mais dans le vide où il trace ainsi sa route illusoire, effacée à mesure, le pauvre homme ne recherche que lui, il est l’objet de sa poursuite, il est à lui-même la proie convoitée. Car prêtre par état, et peut-être par vocation, une part de lui-même n’en conspire pas moins sans cesse contre l’ordre dont il est le gardien. Là est le tragique de sa misérable destinée.

Aussi l’évêque de Paumiers croit-il au Progrès, et il s’est fait de ce Progrès une image à sa mesure. Cet agrégé, et qui porte son titre avec tant de fierté, a pu s’enrichir de notions sans délivrer son intelligence de la tyrannie de ses entrailles. Il pense avec les haines, les amours, les envies et les rancunes de son adolescence, et telle phrase de lui qu’on cite pour sa hardiesse ou sa nouveauté, n’est réellement que l’expression abstraite d’une humiliation subie dans sa jeunesse, mais toujours brûlante. Une telle bassesse fait la risée des gens au pouvoir, dont l’infortuné brigue l’amitié bien qu’ils ne lui dispensent, à son insu, qu’un cordial mépris, car les partis triomphants haïssent ordinairement leurs flatteurs. C’est en vain qu’il prodigue les gages, écrit des lettres retentissantes, se montre à chaque occasion entre un pasteur et un rabbin, dispute humblement leur place à ces fonctionnaires officiels. Jamais son orgueil n’a connu tant d’amertume, mais il est à cet âge où les erreurs et les vices de la jeunesse deviennent la chair et le sang, finissent par être aimés pour eux-mêmes, à proportion de ce qu’ils coûtent de déceptions et de larmes.

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M. l’abbé Cénabre nous a confirmés dans notre foi, reprit M. Jérôme que les premières paroles de