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L’IMPOSTURE

y croyait lire, et dont il ne pouvait comprendre la véritable nature, loin de lui rendre le calme, ne lui inspirait plus qu’une obstination désespérée.

— Je vous en prie, mon ami, mon cher enfant, suppliait Mgr Espelette qui ne comprenait pas. Vous vous exaltez terriblement !

— Depuis deux mois, je ne puis rien faire qui ne soit aussitôt blâmé, du moins critiqué amèrement. Hier encore, Mme de Pontaudemer se jugeait gravement offensée par le silence que j’ai gardé sur la campagne menée contre son frère par certains journaux réactionnaires. Or, j’avais pris conseil. On avait cru plus prudent de laisser les médisances tomber d’elles-mêmes. Qu’ai-je fait ? J’ai sacrifié deux articles déjà prêts, promis à mon journal. J’ai dû les remplacer au dernier moment par un compte rendu des fêtes de Sienne.

— C’était un bon sujet, brillamment traité, dit doucement M. Catani. Cela vous convient à merveille. Pourquoi n’êtes-vous pas resté dans la veine de vos premières Lettres de Rome ?

— Je ne demandais pas mieux, gémit Pernichon. On exploite contre moi des fautes imaginaires, ou de simples étourderies que tout le monde peut commettre. Mon directeur est excédé. Je le sens prêt à supprimer par dépit sa chronique religieuse. Il ne s’est décidé qu’à contre-cœur, sur mes instances, à faire une place dans son journal à nos informations. Je ne sollicite pas de louanges, mais enfin l’Aurore nouvelle a un tirage plus élevé que n’importe quelle autre feuille de sa nuance, et l’influence politique de M. Têtard est considérable, surtout depuis la formation d’un ministère Mongenot. D’où vient cet acharnement à me