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Page:Bernanos - L’Imposture.djvu/147

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L’IMPOSTURE

— Monseigneur ! supplia-t-il, ne me condamnez pas ! Comprenez-moi ! Veuillez me comprendre ! Je n’ai aucune haine contre M. Catani, pas l’ombre ! Je m’en veux de l’offenser ! Mais enfin ! Mais enfin, voyons ! Je défends ma situation, mes moyens d’existence, ma vie ! Mes moyens d’existence ! L’attaque n’est pas venue de moi, rendez-vous compte ! Non ! L’attaque n’est pas venue de moi ! Je ne demandais rien à personne, j’avais une modeste ambition, je faisais honnêtement mon métier. Pourquoi celui-ci m’a-t-il perdu ? Car il m’a perdu… Il a montré pour me perdre une adresse, une perfidie ! J’en donnerai des preuves ! Oui, je le prouverai ! Je… Je… Je le prou…

Il bégayait affreusement, exprès, pour gagner du temps, car, dans le désordre de sa pauvre cervelle, il voyait peu à peu, distinctement, la vanité de son accusation désespérée, l’impossibilité de fournir des preuves, et qu’elles ne seraient reçues de personne. Il avait perdu la partie. L’indignité de ce moribond fût-elle démontrée, ne retarderait pas d’une minute le désastre inévitable : l’enquête ne serait pas publiée, ne pouvait déjà plus l’être. À quoi bon ? Et pourtant…

Alors il fit, pour regarder en face son adversaire, un effort inouï. Il lui cria dans la figure :

— Depuis des années, vous vous êtes ainsi servi de vos jeunes confrères, vous en avez fait vos instruments, puis vous les avez jetés les uns après les autres. Qui vous a lu ? Personne. Quel titre avez-vous ? Aucun. Je vous défie de citer un homme en place, capable d’être votre répondant, de répondre de vous publiquement. L’expérience dont vous disposez est un mystère pour tout le monde. Mais quoi ! Vous n’avez jamais manqué