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L’IMPOSTURE

— L’incident est clos ! murmurait déjà entre ses dents le vicomte Lavoine de Duras…

Et le nom même de Pernichon serait oublié à jamais, anéanti.

Mais il n’appartenait qu’au seul Catani de rendre possible une aussi heureuse conclusion. Or, la déception fut immense. Le publiciste ténébreux, sous le déluge d’outrages, perdait visiblement pied, se débattait, cherchait du secours. Ses yeux tristes se fixèrent un moment sur l’évêque de Paumiers avec une telle détresse, que Mgr Espelette, scandalisé, détourna les siens par pudeur. Enfin, il bégaya péniblement :

— On n’a jamais vu… Est-ce possible !… Après avoir tant fait pour ce jeune homme… Une telle intempérance de langage…

Puis Catani parut rassembler ses forces, vaguement conscient d’avoir trompé l’attente de tous, honteux comme un acteur qui vient de saboter son rôle, mais d’une voix molle, qui se rendait :

— Mon passé, la dignité de ma vie, la charité du chrétien me faisaient un devoir de laisser sans réponse une accusation calomnieuse, ramassée Dieu sait où ! On me reproche d’avoir fait mon œuvre en silence, de n’avoir brigué aucun honneur public… Oui ! j’ai fait ce sacrifice à mes convictions libérales et à ma foi religieuse, à mon respect du passé, à ma confiance dans l’avenir, de ne rien compromettre, de chercher constamment de ces formules d’union, de transaction, d’équilibre, qui gagneraient moins qu’elles ne perdraient à une excessive publicité. La petite influence dont je dispose…