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L’IMPOSTURE

ainsi que ce niais a tenu l’invraisemblable gageure, restant lui-même sans reproche, de perdre, à l’égal d’un aventurier, un certain sens du juste, la pudeur de l’honnête homme.

Tel quel, il n’osait pas s’avouer, ce soir, qu’il était content d’en avoir fini, mais il en savourait, tout en marchant, l’allégresse. Il serait le lendemain à Paumiers. On ne le reverrait pas avant la Toussaint. D’ici là, le jeune Auvergnat serait oublié, après beaucoup d’autres, qui valaient mieux que lui ! Car les partis avancés, quels qu’ils soient, font une forte consommation d’hommes… Ou peut-être Catani ?… Mais il appartenait à la race de ces moribonds éternels… Il sursauta de déception et de colère en entendant la voix de Pernichon.

— Monseigneur !… pardonnez-moi… Je vous suis depuis un instant… Je vous supplie de m’écouter… Vous êtes mon seul espoir… Je ne puis plus compter que sur vous !

— Je… Je rentrais chez moi, dit mélancoliquement l’évêque de Paumiers (il réprima très vite ce premier mouvement d’humeur). Quelle aventure, mon enfant !

— Je suis perdu ? interrogea le pauvre diable, n’est-ce pas ?

Puis il fit quelques pas en silence. Sa fureur était aussi complètement tombée que possible. L’indignation est pour lui une dépense trop forte, intolérable. Tout son être, son regard inexprimable, tout son corps même, implorait le pardon, n’importe quel pardon.

— J’ai été trop loin… murmura-t-il

— Mon enfant, reprit le prélat, je suis heureux de vous retrouver si sage, dans ces dispositions excel-