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L’IMPOSTURE

Nous prêterions inutilement à rire aux maîtres de la psychologie moderne, dont je suis loin de repousser toutes les thèses… Les défaillances de notre nature suffisent, dans la plupart des cas… suffisent à expliquer des… des incidents… Ici le moraliste et le théologien sont d’accord (ils devraient toujours l’être !). Le travail, l’exercice, la pratique des devoirs d’état…

— Quels devoirs d’état ? fit Pernichon. Je n’ai plus de devoirs d’état. Je n’ai plus rien. Comprenez donc ! Ce qui vient de se passer il y a un moment pouvait être prévu, prédit à coup sûr. C’était la crise inévitable, la manifestation matérielle… concrète… Ah ! ma perte était déjà consommée !… J’ai cessé de plaire, parce que j’ai cessé d’être utile. Je suis brûlé, — voilà le mot, — je suis brûlé ici et ailleurs, je suis brûlé partout !

— Allons ! dit le prélat. L’appui de M. Gidoux… En quoi la rancune de M. Catani (je le dis entre nous… car enfin… M. Catani ?…) pourrait-elle changer quelque chose aux dispositions favorables de l’illustre professeur au Collège de France ?…

M. Pernichon tourna vers lui un regard égaré :

— Mais il n’y a rien… il n’y a rien, avoua-t-il avec une sorte de haine… Je n’ai aucune raison sérieuse de croire à un projet si avantageux, si honorable pour moi… À peine une certaine sympathie… les relations que j’entretiens… Oh ! voyez-vous… ce n’était qu’un rêve ! J’ai fait cette folie, voilà quelques semaines, de laisser croire à M. Catani… Je sentais qu’il se détournait de moi, qu’il m’échappait… Oh ! Monseigneur, ce mensonge m’a coûté cher ! Dès ce moment, il m’a pris en exécration. Comment pouvais-je me douter ?